POSTFACE

Comme toute chose a une fin la rédaction de ce document s’est achevée dans le courant du mois de janvier 1997. L’essentiel des informations et observations qui ont servi de base vont jusqu’à la fin décembre 1996.
Mais la vie elle, bien réelle et bien concrète, continue. La mobilisation et les luttes de sans papiers aussi.


Commencé le 18 mars 1996, la mobilisation va bientôt entrer dans sa seconde année. Bien qu’ayant fait sentir un moment de reflux - notamment après les grandes manifestations des mois d’août, septembre et octobre et novembre - le mouvement a pu rebondir, profitant des événements importants en février et mars 1997, grâce à l’extraordinaire mobilisation des « pétitionnaires » contre le projet de loi Debré.


Ces raisons sont en soi suffisante pour ne pas se hasarder dans des conclusions hâtives. Que conclure d’un mouvement à multiples et imprévisibles rebondissements.


Les nombreux mois d’intenses mobilisations nous permettent néanmoins de retenir les quelques éléments suivants :


*  Le recours à l’histoire permet dans un premier temps de comprendre et de démontrer les mécanismes socio-économiques, juridiques, politiques qui conduisent à transformer des gens tout à fait ordinaires en « illégaux », « clandestins » ... Nous sommes en fait devant une machine à fabriquer des sans papiers, toujours et encore, et nul ni personne n’est à l’abri.


* Le recours à l’histoire certes mais d’abord à l’histoire des mobilisations des concernés, les sans papiers. Ces mobilisations permettent en effet une visibilité et du même coup un début de socialisation de groupes et de personnes jusque là exclus de la réalité socio-politique. Elles permettent aussi de se dégager de cette image néfaste de « clandestin » (avec tout ce que cela comporte de connotations et de fantasmes) pour passer à celle plus positive de « sans papiers » ayant des droits.


* Résultat de la mobilisations des concernés, cette visibilité et cette socialisation des sans papiers a fonctionné comme un formidable révélateur des mécanismes d’exclusion mais aussi et surtout que les politiques successives mises en place depuis 1974 et fondées sur la fermeture des frontières, le contrôle et la répression ont été un leurre dont seule l’extrême-droite a profité. Le vieil adage selon lequel les gens préfèrent l’original à la copie s’est dangereusement vérifié.


* Le mouvement des sans papiers est certes révélateur. Pour autant les sans papiers, pris individuellement, attendent des solutions concrètes à leurs situations concrètes : des papiers pour tous certes mais des papiers pour chacun et chacune. D’autant qu’à la lumière des événements récents et avec le projet de loi Debré le gouvernement n’entend pas changer sa ligne de conduite. Ce qui a pour effet d’obliger les sans papiers soit à retourner dans la clandestinité soit renforcer le mouvement de mobilisation et s’installer dans la durée espérant à nouveau une extension. Une situation aussi mouvante, plurielle et parfois contradictoire pose des questions d’ordre politiques et pratiques tant aux collectifs de sans papiers qu’aux soutiens.


* Régularisation globale et remise à plat de toute la politique d’immigration sont les deux dimensions mises en évidence par le mouvement des sans papiers de 1996. Deux dimensions politiques qui requièrent des réponses politiques. Parce que les régularisations au cas par cas sont dans leur principe injustes, discriminatoires et arbitraires, la seule réponse serait une régularisation globale à l’exemple de ce qui s’est fait en Italie, en Espagne et au Portugal. Celle-ci ne peut être décidé que par le gouvernement Une opération exceptionnelle de régularisations avec un moratoire sur les expulsions et les reconduites peut être un axe de mobilisation de l’opinion.


La mobilisation des sans papiers, les initiatives et la pression des citoyens sont, dans ce contexte, essentielles.


* En avant-propos de ce document, nous avions conscience que de nombreux aspects n’avaient pas été abordés et qu’ils pourraient s’avérer être déterminants pour la suite du mouvement. De fait l’extraordinaire mouvement de sympathie autour des sans papiers s’est petit à petit transformé en une mobilisation solidaire d’un genre tout à fait nouveau et qui n’a pas fini de révéler toutes ses potentialités.


- Contrairement à l’habitude ce mouvement a surtout rassemblé des gens, des citoyens qui se sont impliqués individuellement. De rebondissements en rebondissements ce mouvement est fécond et n’a pas fini de nous étonner. Il recèle, en effet, de grandes potentialités non encore exploitées qui peuvent surgir à tout moment : la jeunesse en général et celle issue de l’immigration en particulier d’une part, le monde du travail de l’autre sont des secteurs qui peuvent encore être mobilisés et qui sont à même de bousculer toute la machinerie anti-immigrés et xénophobe.


- Cette implication individuelle et collective des citoyens a non seulement défié le gouvernement, la majorité de droite et l’extrême-droite, mais a aussi sonné comme un véritable avertissement en direction de la gauche, de toutes les structures de la gauche (partis, syndicats, et même associations ...).Celles-ci ayant été prise de court par la mobilisation des citoyens n’ont pu, au mieux, qu’accompagner le mouvement à défaut de l’impulser. Auront-elles l’intelligence de comprendre que cette implication active apparaît comme une aspiration forte et pressante à la participation et au contrôle citoyen.
 

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